Dans le meilleur des cas aujourd’hui les éditeurs envoient deux fois par an aux auteurs une “reddition des comptes” pour qu’ils sachent précisément le nombre de livres qu’ils ont vendus. Bien souvent, les auteurs doivent même réclamer ce document qui leur permet de connaître les droits d’auteurs qu’ils vont toucher.
Depuis des années, cet état de fait suscite la grogne des auteurs. D’autant plus que les éditeurs brandissent un alibi fallacieux en expliquant qu’ils ne peuvent pas donner les ventes puisque les libraires ont la capacité de renvoyer les livres à l’éditeur s’ils ne les vendent pas. Les auteurs veulent juste savoir ce qui a été vendu quand les clients sont passés à la caisse, rien de plus normal.
Un “fil d’informations” inédit
Ils ont été quelque peu entendus. Juste avant la fin de l’année, le Syndicat national de l’édition et les représentants des libraires ont enfin promis d’engager un petit effort de transparence en annonçant la prochaine mise en place d’une plateforme, Fileas, qui signifie Fils d’informations libraires éditeurs auteurs. Elle permettra à terme aux auteurs de connaître en temps réel et gratuitement leurs chiffres de ventes dans toute la France. Un premier petit pas mais on est loin, très loin, de ce qui existe au cinéma par exemple où le Centre national du Cinéma recense le nombre de spectateurs à chaque séance, tous les jours dans toutes les salles. On est encore plus loin des pratiques en cours dans la distribution où l’on peut connaître le nombre de boîtes de petits pois vendues dans n’importe quel hypermarché pour faciliter leur réassort…
Un fonctionnement encore indéfini
Cette plateforme devrait démarrer cette année, d’abord modestement, à l’occasion du prochain Salon du Livre en avril. Dans un premier temps Fileas fonctionnera avec les données collectées par l’institut GFK puis à plus grande échelle, avec des données collectées par 700 librairies volontaires. Seulement, le nom et la taille de ces librairies n’a pas été spécifié. Ce sont les adhérents du Syndicat de la librairie française, qui ne compte que des librairies indépendantes, soit seulement une petite partie des vendeurs de livres.
Des données très importantes manqueront dans ce panel puisque l’on compte en France près de 3 500 librairies, sans intégrer les grandes chaînes culturelles comme la FNAC, Cultura, les Espaces culturels Leclerc ni tous les sites internet, comme le plus important, Amazon.
Pour accéder aux données de Fileas, les auteurs ne paieront rien, en revanche les éditeurs, les diffuseurs et les distributeurs devront s’acquitter d’un abonnement calculé en fonction de leur chiffre d’affaires.
Des enjeux économiques et écologiques
Cette mesure est aussi un moyen pour les éditeurs d’ajuster au plus juste les tirages de chaque ouvrage, afin de prévenir à la fois les ruptures de stock mais aussi les sur-tirages, ce que souligne le Syndicat National de l’édition. Cela devrait permettre de répondre à un double enjeu économique et environnemental. Il est quand même assez stupéfiant qu’un outil qui semble pourtant aussi important et relativement simple à mettre en œuvre ait dû attendre tant d’années pour voir le jour.
Quid des meilleures ventes de l’année passée ?
La liste du Top 50 des meilleures ventes est rendue publique chaque année par l’institut GFK. Je me suis cantonnée aux dix premiers romans. Selon Livre Hebdo, deux romans étrangers, La femme de ménage de Freida McFadden et La sage-femme d’Auschwitz d’Anna Stuart, deux livres publiés en poche (par J’ai Lu) arrivent en tête, le premier frôle les 500 000 exemplaires. Ils sont talonnés par des habitués des meilleures ventes: Joël Dicker avec Un animal sauvage (chez Rosie & Wolfe) et Guillaume Musso, qui se classe deux fois dans ce top 10 avec Quelqu’un d’autre chez Calmann-Lévy et Angélique en poche.
Ils devancent les lauréats du Goncourt, Kamel Daoud qui a signé Houris publié chez Gallimard – qui lui frôle les 400 000 exemplaires et Gaël Faye, lauréat du Renaudot pour Jacaranda publié chez Grasset. Ce classement compte encore Instinct de Mélissa Da Costa, publié au Livre de Poche, Les yeux de Mona, le récit de Thomas Schlesser publié chez Albin Michel et Une belle vie de Virginie Grimaldi, publié là encore par le Livre de poche.
Le magazine ActuaLitté a calculé les auteurs les plus lucratifs. Sans surprise, Guillaume Musso arrive en tête et a généré près de 12,5 millions d’euros de ventes l’an dernier, suivi par Joël Dicker, Mr Tan, le scénariste de Mortelle Adèle, Melissa Da Costa et Morgane Moncomble dont les quatre ouvrages de romance ont généré plus de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. On est là en plein dans le business.