Treasures of the Tang and Ming, a trip to Imperial China

Soyons honnête, il est aisé de se prendre les pieds dans la chronologie des dynasties impériales en Chine. C’est alors que la comparaison s’impose à notre esprit, tout simplement pour s’y retrouver. Un point de repère suffit parfois : lorsqu’en Chine les Tang sont au pouvoir, chez nous, c’est la fin des Mérovingiens et le début des Carolingiens. Quant au Ming, disons que leur règne s’étend de Charles V à Louis XIV. Une fois que l’on dit cela, nous n’en savons pas beaucoup plus, d’où la nécessité de partir à la découverte du Musée Guimet.

Les Tang, une dynastie cosmopolite (618-907)

Nous sommes au 7e siècle dans la ville de Chang’an. La capitale de la dynastie Tang est à ce moment-là, la cité la plus peuplée du monde. Les rues fourmillent de marchands, d’artistes et de moines venus des quatre coins de Chine. L’exposition “La Chine des Tang : une dynastie cosmopolite” au Musée Guimet à propose une immersion dans cette ville au carrefour des routes de la soie et dans l’histoire culturelle de la dynastie Tang, de la mode à la vie artistique en passant par l’importance des spiritualités dans les modes de gouvernance.

Afin de mieux comprendre cette histoire, il est important de ne pas se limiter à un découpage dynastique simplifié mais de considérer l’héritage historique des Tang de façon plus large. Le spécialiste de la Chine médiévale Alexis Lycas revient sur les origines de cette dynastie : “Les Tang sont les héritiers d’une période de fragmentation territoriale pendant laquelle plusieurs dynasties ‘étrangères’  marquent l’histoire du pays. Plutôt que de percevoir une rupture avec l’unification des Sui (581–618) et Tang (618-907), il est plus juste de comprendre cette transition comme une continuité politique et administrative.”

La notion “d’âge d’or” des Tang, largement explorée grâce à une abondance de documentation, est marquée par des apports artistiques et poétiques exceptionnels. Après un certain déclin pour son intérêt dans les recherches universitaires, la dynastie Tang semble renaître et bénéficier d’une nouvelle approche historiographique, notamment grâce aux découvertes archéologiques. Alexis Lycas explique ainsi que “cette relecture montre que beaucoup de phénomènes attribués aux dynasties postérieures, en particulier aux Song, ont déjà commencé sous les Tang. Ainsi, les Tang ne sont pas seulement les héritiers des dynasties antérieures, ils sont aussi à l’origine de nombreux développements sociaux, politiques et culturels qui auront une influence durable sur l’histoire de la Chine.”

Chang’an, la capitale d’un âge d’or

“À l’époque des Tang, la capitale Chang’an est au cœur d’échanges économiques, culturels et artistiques exceptionnels via la route de la soie. Cette diversité influence profondément la production artistique de la période, marquée par une ère de paix et de prospérité au début de la dynastie, où l’empereur lui-même fixe les normes artistiques diffusées à travers tout l’empire”, explique la sinologue Yolaine Escande.

Arnaud Bertrand, conservateur au Musée Guimet et co-commissaire des expositions “La Chine des Tang” et “L’Or des Ming”, insiste sur la richesse de l’héritage des Tang, présente aujourd’hui au Musée Guimet : “Les objets exposés sont des productions en or et en argent du 9e siècle, une époque considérée comme la fin de la dynastie Tang. Malgré cela, leur qualité artistique reste exceptionnelle, marquant une maîtrise d’influences venues du sud. Les Tang sont aussi connus pour leurs célèbres figurines funéraires en céramique, réintroduites après une interruption de 400 ans. Cette renaissance reflète l’unification impériale et le désir de renouer avec des traditions artistiques anciennes.”

Par ailleurs, les découvertes récentes des tombes autour de Chang’an, ont révélé des objets et des peintures qui témoignent de la splendeur artistique de cette période, souvent considérée comme un âge d’or des arts en Chine : “Cette tradition artistique, notamment en peinture et calligraphie, s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Transmise de maître à élève, elle repose sur des normes établies sous les Tang, et des œuvres de cette époque ont été gravées dans la pierre ou copiées sur papier”, ajoute Yolaine Escande.

Affiches des expositions “La Chine des Tang” et “L’Or des Ming” au Musée Guimet

La dynastie Ming (1368-1644), un empire commercial

À quelques salles de là, et quatre siècles plus tard, le Musée national des arts asiatiques met à l’honneur une autre dynastie, celle des Ming avec l’exposition “L’Or des Ming : Fastes et beautés de la Chine impériale”. Célèbres pour l’édification de la Cité Interdite et de la Grande muraille, les empereurs Ming ont aussi accompagné une intensification des échanges commerciaux et avec elle, l’émergence d’une orfèvrerie raffinée. Cette époque voit l’essor d’une élite de marchands fortunés, rendant le luxe accessible au-delà de l’aristocratie. Les parures féminines en or, jade ou argent, souvent ornées de pierres précieuses incarnent des symboles de richesse. Les motifs, porteurs de messages de chance et de bon augure, associent fleurs et oiseaux aux saisons et aux vertus.

La dynastie des Ming apparaît dans un autre contexte que celle des Tang. Leur capitale ne se situe plus à Chang’an mais davantage au sud, à Nankin. Cette dynastie impose de nouveaux codes vestimentaires, inspirés de l’époque Tang, alors considérée comme un modèle absolu. “Les objets exposés, comme les vases et parures, reflètent cette période”, précise Arnaud Bertrand. “Bien qu’inspirés de l’art impérial, ils sont souvent des imitations locales. Par exemple, des motifs comme le dragon sont modifiés pour éviter l’exclusivité impériale, en adoptant des variantes comme le poisson-dragon, marquant ainsi l’influence impériale tout en la contournant. Ces objets, largement copiés et diffusés à travers les marchés, témoignent de l’évolution des goûts et des pratiques sociales.”

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L’histoire des dynasties chinoises, comme celles des Tang et des Ming, s’inscrit dans une histoire mondiale. Sous les Tang, dès le 8e et 9e siècle, la Chine est déjà connectée à un réseau d’échanges économiques et culturels qui dépasse ses frontières. De même, sous les Ming, ces liens s’intensifient, notamment grâce à de nouvelles routes commerciales. Ces connexions internationales influencent les objets d’art de l’époque, dont la beauté ne peut être pleinement comprise qu’en prenant en compte les influences mondiales de cette époque. C’est toute cette richesse que partage aujourd’hui le Musée Guimet à travers ces deux expositions.

Pour en savoir plus

Arnaud Bertrand est enseignant-chercheur, archéologue, conservateur au Musée Guimet (départements Chine ancienne et Corée) et co-commissaire des expositions “La Chine des Tang : une dynastie cosmopolite” et “L’Or des Ming : Fastes et beautés de la Chine impériale (14e-17e siècle)”.

Alexis Lycas est maître de conférences à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). Il est spécialiste de la Chine médiévale.

Yolaine Escande est sinologue, spécialiste des arts graphiques chinois et directrice de recherche au CNRS.

Illustration : Ornements en forme de chauve-souris surmontée du caractère shou, Dynastie Ming (1368-1644), Filigrane d’or ajouré et serti de rubis et saphirs, L. 7-8 cm, l. 5,8-6,7 cm ; poids 19,8-24,5 g, Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang, XYB0043/1-3 © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Musée national des Arts asiatiques – Guimet

6 Place d’Iéna – 75016 Paris

Exposition “La Chine des Tang : une dynastie cosmopolite” du 20 novembre 2024 au 3 mars 2025

Exposition “L’Or des Ming : Fastes et beautés de la Chine impériale (14e-17e siècle)” du 18 septembre 2024 au 13 janvier 2025

Références sonores

  • Archive sur les origines du Musée Guimet, Joyaux de Paris, RTF, 1953
  • Évocation d’Alain Decaux sur la Chine au 7e siècle, La tribune de l’histoire, RTF, 1959
  • Lecture par Maïwenn Guiziou d’un poème de Bai Juyi, 9e siècle
  • Lecture par Maïwenn Guiziou du poème “Buvant seul sous la lune” de Li Po, 8e siècle
  • Chanson “Tang’s poem” de Guo Gan, Huong Thanh et Fumie Hihara, extrait de l’album “Three Perfumes”, 2023
  • Générique : “Gendèr” par Makoto San, 2020
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