Kad Merad est avant tout un acteur, pour beaucoup, Philippe Abrams, ce fameux receveur des postes, indissociable du succès du film Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon. Pour certains, il est humoriste, lié à Olivier Baroux, au début de sa carrière, à travers le duo incontournable de Kad et Olivier, on pense aussi à la chaîne Comédie. En 30 ans de carrière, son nom Merad est devenu incontournable dans le monde du cinéma. Celui-là même que son père, algérien, arrivé en France à l’âge de 16 ans, avait tendance à cacher. Tout comme son prénom d’ailleurs, à une époque où, quand on s’appelait Mohamed Merad, il était difficile de pouvoir donner des ordres. Aujourd’hui, force est de constater qu’il a réussi à transformer l’essai portant haut et fort son héritage familial. Et ça tombe bien, parce qu’on parle de la famille dans ce film d’Alexandra Leclère qui sort aujourd’hui, Les boules de Noël. C’est l’histoire d’une famille qui, à chaque réveillon, vit un cauchemar. Et pour contrecarrer cette malédiction, la mère, incarnée par Valérie Bonneton, décide de ne pas fêter Noël.
franceinfo : Ce film est drôle et encore une fois, on se rend compte que la famille est encore au cœur d’un film dans lequel vous jouez.
Kad Merad : Alors moi, je n’y suis pour rien. Je n’ai pas choisi le film parce que ça parlait de famille, même si c’est toujours un sujet qui m’intéresse bien sûr, comme tout le monde. En plus, là il s’agit de Noël, donc les réunions de famille sont incontournables. Quand mes parents étaient encore là, c’était évident qu’on se retrouvait à Noël avec les enfants, les petits-enfants, etc. Aujourd’hui, c’est moins le cas parce qu’il y a moins d’enfants. Mais pour le film d’Alexandra Leclère, j’ai surtout aimé le ton du film qui est quand même véritablement trash. Pour avoir assisté à quelques projections, ça provoque des rires, ça c’est sûr, mais aussi parfois des : “Oh non !“, des choses comme ça, parce que ça va loin.
C’est parti justement d’un moment de bonheur, cette envie de devenir acteur. Vous étiez au collège, vous avez joué un texte de Federico García Lorca en espagnol. Et à la fin, tout le monde clamait votre prénom “Kaddour, Kaddour“. Vous prenez conscience à ce moment-là du pouvoir de l’humour ?
“Mon humour désarçonnait complètement mon père quand il me donnait une correction.”
Oui, puis dans toutes les circonstances, je vois bien que même dans la politique, dans les sujets les plus graves, l’humour peut désamorcer, peu dévier. Moi, j’ai réussi à éviter, comme je le raconte parfois, les corrections de mon père, qui était très dur, parce que je le faisais rire. Il n’a jamais vraiment réussi à avoir l’emprise sur moi parce que j’étais marrant. Enfin, je ne sais pas si j’étais drôle, mais lui, il ne pouvait pas.
Quand vous avez eu cette notoriété incroyable, vous aviez 40 ans.
Je sais ! Arrêtez de me dire ça comme ça !
Cela faisait 20 ans que vous étiez dans ce milieu. Est-ce que ça vous a aussi permis de mieux apprécier le succès ?
Je n’ai jamais eu l’impression non plus d’attendre. En fait, j’ai toujours fait quelque chose, que ce soit à la radio d’abord, même dans l’ombre avec Olivier, après, on a été repérés par Jean-Luc Delarue. Et puis j’ai toujours travaillé, avec plus ou moins de réussite financièrement, parce que quand j’étais musicien, c’était pareil. Je faisais le musicien le soir, la radio le matin, le théâtre le soir. Enfin, c’était une vie. C’est la vie que j’avais choisie, je ne me disais pas : “ah, vivement que je sois une vedette“, ce n’est pas ça qui m’intéressait. Moi, je voulais faire le métier d’acteur. Je ne voulais pas être Kad Merad parce qu’à la fin, on ne vous pardonne plus grand-chose quand vous êtes aussi populaire et aussi sollicité. Néanmoins, on reste quand même des acteurs, des artistes avec des fragilités, des angoisses et des peurs.
Fier aujourd’hui que ce nom, Merad, résonne ?
“Il y a des avocats, des médecins, des chercheurs qui ont un visage, une origine, un prénom, un nom qui aujourd’hui sont toujours un handicap. Moi je pensais qu’avec mon père, ça allait finir, s’arrêter, que tout le monde serait intégré, mais apparemment… Ça se corse, même.”
Fier parce que j’aurais pu changer de nom. J’y ai même pensé puisque mon père se faisait appeler Rémy pour que ce soit plus facile. Quand j’ai commencé, je voulais prendre le nom de ma mère qui s’appelait Béguin, c’est joli comme nom. Je voulais m’appeler Jean Béguin comme mon oncle ou François Béguin parce que j’aimais bien ce prénom. Je me suis mis devant la glace et je me suis appelé comme ça. Et puis j’ai pensé à mon père. Je me suis dit bon, “ça va, on ne va pas recommencer“. Ça, c’était avant, c’était le Moyen-Âge. Et alors finalement, on se rend compte qu’à ce niveau-là, rien n’a changé. Avec des prénoms, des visages, des couleurs, la vie est quand même plus difficile. Il faut vraiment s’en rendre compte. Moi aujourd’hui, je suis l’acteur, je n’ai même plus d’origine, mais ce n’est pas le cas pour tous les gens.
Pour terminer, est-ce que votre force n’est pas d’avoir conservé vos yeux d’enfant ?
J’ai gardé de la dérision, de l’insouciance. L’insouciance d’enfance et d’être toujours un peu émerveillé, d’avoir toujours envie de quelque chose, parce qu’il n’y a rien de pire que de tout avoir. J’ai des choses, mais j’ai encore des choses à faire et à avoir. J’attends le prochain film ! J’espère que vous êtes une radio qui a un peu d’auditeurs parce que j’attends mon prochain film. Je l’attends, je vous assure !
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