Spécialiste de la faune qui vit autour des sources hydrothermales, dans les grandes profondeurs océaniques. Jozée Sarrazin, chercheuse en écologie benthique au Laboratoire Environnement profond de l’Ifremer, à Brest, essaie de recenser les espèces qui y vivent, de comprendre quels habitats elles occupent en termes de température, de chimie et de courants et d’analyser comment ces écosystèmes fonctionnent et comment ils évoluent au cours du temps.
Chercheuse à l’Ifremer depuis 2002, elle a été responsable du Laboratoire Environnement Profond de 2012 à 2018. Elle coordonne aujourd’hui un projet européen (DEEP REST) sur la conservation et la restauration des écosystèmes marins profonds menacés par l’exploitation minière.
Elle a participé à plus de 35 campagnes en mer avec submersibles habités (Alvin, Nautile) ou téléguidés (Ropos, Jason, Victor). Elle a publié le 10 octobre avec la journaliste Stéphanie Brabant un Atlas des abysses (Arthaud, collection Atlas poétiques) avec les illustrations de Julie Terrazzoni. Elle a effectué en novembre 2023 son plus grand voyage dans les profondeurs océaniques, à -3600 m entre les Canaries et la Guadeloupe, sur la dorsale médio-atlantique, où elle a visité les fameuses sources hydrothermales.
Le défi des profondeurs : un exploit technologique
Le 23 janvier 1960, Jacques Piccard et Don Walsh réalisent un exploit historique en atteignant le fond de la fosse des Mariannes, le point le plus profond du globe, à bord du bathyscaphe Trieste. Josée Sarrazin souligne la complexité technique d’une telle exploration puisqu'”à 10 000 m de profondeur, on a 1000 fois la pression atmosphérique de la Terre. C’est un défi technologique énorme“. Ce qui explique pourquoi “la plupart de la technologie, des sous-marins s’arrêtent à 6000-7000 mètres de profondeur“.
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La vie insoupçonnée des abysses, une immensité à découvrir
L’expédition de Piccard et Walsh a bouleversé les connaissances scientifiques de l’époque. “Ils ont été les premiers êtres humains à aller dans les grandes profondeurs. Et cela a remis en question toute la théorie qui disait que la vie n’était pas possible au-delà de 500 mètres de profondeur.” La découverte de “crevettes rouges” et d’un “poisson plat” à une telle profondeur a démontré que la vie était possible, et même florissante, dans les conditions les plus extrêmes. Cet événement a marqué un tournant dans l’histoire de la biologie marine.
Malgré les avancées technologiques, l’exploration des abysses reste un défi. “Ils recouvrent 66 % de la surface de notre planète, or à peine 1 % des fonds océaniques ont été explorés, donc il y a encore du boulot.” Josée Sarrazin insiste sur l’immensité de la tâche et l’importance de poursuivre les recherches : “Pouvoir aller à 6000 m, ça nous donne tout de même accès à 98 % de ces fonds océaniques. La technologie existe pour aller plus loin.”
Un monde sans… fond
Josée Sarrazin nous éclaire sur la définition même des abysses : “Le mot est un peu galvaudé. Le mot vient du grec ‘sans fond’. […] Now, we agree to say that what we call deep sea is beyond 200 to 300 meters, from the moment when there is no more sunlight and there is no more photosynthesis and where the pressure increases.”
Ecoutez l’intégralité de l’émission pour comprendre aussi l’importance de la recherche et de la conservation de ces écosystèmes uniques et fragiles.
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