Alors que Calais s’apprêtait à faire la fête demain puisque son équipe de football amateur reçoit les professionnels de Strasbourg en Coupe de France, une triste nouvelle a réveillé, ce matin, ses 77 000 habitants. Le champion le plus emblématique du sport calaisien, et l’un des grands boxeurs français de l’histoire.
Avec son nez empâté et sa fine moustache, Thierry Jacob possédait une pure gueule. Il a cherché à la protéger contre les coups des plus dangereux adversaires. Notamment le 20 mars 1992. Chez lui, à Calais, devant 5000 spectateurs déchainés, Thierry Jacob, alors âgé de 27 ans, affronte le Mexicain Daniel Zaragoza pour le titre de champion du monde WBC des super coqs. Grâce à son direct du droit et ses uppercuts du gauche, le Français mène largement aux points. Au bout des douze rounds, c’est la consécration :
A l’époque, le MMA n’existe pas, la boxe passe encore en direct sur TF1. Le noble art français du début des années 90 connait une génération exceptionnelle celle des René Jacquot, Christophe Tiozzo, Anaclet Wamba, Fabrice Bénichou et donc Thierry Jacob. Même s’ils ne boxent pas dans les mêmes catégories, ces champions sont plus souvent rivaux qu’amis. Tiozzo a ainsi longtemps affirmé, un sourire en coin, que Jacob ne serait jamais champion du monde tant qu’il ne quitterait pas Calais.
Et il a eu tort car avant de perdre son combat contre la maladie, Thierry Jacob a vécu toute sa vie entre le fort Vauban, le café du Minck et la salle de l’Athletic Boxing Club. Son père Jacques était livreur de charbon puis livreur de journaux. Grâce à ses petits boulots et surtout à la boxe, le patriarche sort sa famille des baraquements pour l’installer dans une maison en dure. A ses quatre fils, Jacky, Hervé, Bruno et Thierry, il enseigne l’art de l’esquive, du crochet et leur transmet le goût du courage.
Thierry enfile les gants dès l’âge de huit ans. Adolescent, il prépare un CAP de mécanique générale mais se consacre totalement à son sport dès qu’il a seize ans.
Il devient vite champion de France puis champion d’Europe et enfin champion du monde le 20 mars 1992. Pour entrer sur le ring, Thierry Jacob choisit le célèbre titre du groupe Europe, « The final countdown », le compte à rebours final, sans se douter qu’il l’a déjà enclenché.
Le Calaisien ne portera sa ceinture de champion du monde que trois mois. Trop loin de chez lui, à Albany, dans l’Etat de New-York, il tient seulement quatre minutes face à son challenger, l’Américain Tracy Harris Patterson.
Suivront deux vaines tentatives de reconquête du titre, avant la retraite en 1994, à l’âge de 29 ans.
Mais Thierry Jacob n’avait pas quitté le monde de la boxe…
Non, impossible. Même après avoir rasé sa moustache, l’ancien champion du monde avait au contraire perpétué la tradition. Ses deux fils Romain et Geoffrey ont eux aussi boxé. En 2014, Romain Jacob a été champion d’Europe EBU des Super-Plumes. Son père Thierry était l’un de ses entraîneurs, avec son oncle Jacky.
Tout Calais rêvait alors d’un nouveau titre de champion du monde pour la famille Jacob, mais Romain a dû arrêter prématurément sa carrière à cause d’une blessure à l’œil.
Thierry n’avait rien caché de la dureté de ce sport à Romain. Voici ce qu’il déclarait, les larmes aux yeux, il y a deux ans, dans le documentaire « Les seigneurs du ring » tourné par une réalisatrice calaisienne, Caroline Béhague :
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Cette passion, Thierry Jacob l’a vécue jusqu’au bout, jusqu’à la mort. La maire de Calais, Natacha Bouchard, a promis qu’un hommage solennel lui sera rendu, peut-être dès demain soir à l’occasion du match de Coupe de France football, entre Calais et Strasbourg.