Hier, j’avais envie de me faire humilier, mais je suis douillet, donc tout ce qui est cravache, je laisse ça aux poneys, ces petits salauds qui se tapent du cuir alors qu’ils fréquentent nos enfants. Jamais on n’autoriserait ça de la part des instituteurs. Donc pour me faire humilier, je suis allé dans un café et j’ai demandé un double expresso à un serveur parisien. Ces gens sont désagréables : vu ma tête, il m’a donné un quintuple expresso, avant de me montrer Leïla Kaddour qui, au fond de la salle, sirotait une Suze. Il m’a alors dit :
« Sinon, cette dame-là a plus fort que du café, si vous voyez ce que je veux dire. »
Confus, j’ai fixé mon café. Je préfère fixer des objets que des gens, parce que les objets suscitent moins de réactions excessives. Rarement vous retrouvez votre oncle le sexe coincé dans une commode Ikea, qui vous dit :
« Oui bah je l’ai trouvée sexy, les Suédoises. »
Et là, je réalise que sur le zinc du bistrot, j’ai l’impression de faire une chanson de Renaud sans musique. Je vois un exemplaire du Parisien et me dis : « Qu’est-ce que c’est ? » Dix ans que je n’avais pas vu un journal papier. Je feuillette, avec cette impression d’être revenu 50 ans en arrière. Les serveurs claquent des portes, Leïla, désignant son verre vide, hurle :
« Riton, tu mets la petite sœur ! »
Je me dis que j’ai été transporté dans un film de Claude Sautet.
Et là, page 8, je tombe sur un article intitulé « La nouvelle vie d’Éric Dupond-Moretti ». Souvenez-vous, c’est l’ancien ministre de la Justice. Un homme effrayant, au regard noir, dont on sent d’instinct qu’il ne faut pas le chauffer. Il y a des gens qui ont fait un emoji de la tête de Dupond-Moretti. Apple a refusé de l’installer sur les iPhones, parce que les enfants, quand ils le voyaient, se mettaient à pleurer.
Vous allez me dire : « Il nous a pas trop manqué, Dupond-Moretti. » En général, quand un politique dégage, dans le quart d’heure, tout le monde l’a zappé. Je pense que le soir même où il a arrêté, la concierge de son immeuble lui a dit :
« Qui êtes-vous ? »
Puis, en voyant la rage sur son visage — la seule expression qu’il a — elle a avalé son balai à franges pour mettre fin à ses jours.
Mais bon, je vous donne quand même des nouvelles de Dupond. Après la dissolution de l’Assemblée par Macron — cette erreur de bleu-bite que même un stagiaire de 3ᵉ à la rédaction politique de L’Express n’aurait pas faite — il a effectué un road-trip en Harley Davidson, direction l’Italie, avec son teckel, qui s’appelle Jean-Claude. Je sais, cette phrase contient beaucoup trop d’informations. Si vous avez besoin d’un temps calme, je peux faire une pause. Julien Santini non plus ne parlera pas.
Ensuite, Dupond-Moretti est allé au Québec. Puis, revenu à Paris, il s’est retrouvé comme un con avec Jean-Claude, ce teckel à poils durs qui porte le nom de ton oncle. Dans la rue, quand il crie :
« Jean-Claude, au pied ! »
Tout le monde pense, dans un premier temps, qu’il s’agit d’un couple gay avec une forte relation dominant/dominé. C’est au moment où Jean-Claude jappe que les gens réalisent que c’est un chien. Parce qu’à Paris, il y a aussi des personnes qui font leurs besoins par terre et qui courent sans but, mais elles ne jappent pas.
Là, il a dû réaliser qu’il avait déjà un pied dans le monde du spectacle, puisqu’il a fait avocat et politique. Il s’est dit :
« Pourquoi pas un one-man-show ? »
Pour prolonger cette vie de bonimenteur. Il a appelé Philippe Lellouche — ce monsieur qui, sur 10 ans, a défoncé la biodiversité en conduisant des voitures de kékés à petit pénis sur RMC Découverte. Ensemble, ils ont écrit à quatre mains — j’ai vérifié, ils en ont deux chacun, puisque Dupond-Moretti n’a pas arraché, dans un accès de colère, l’une des mains de Lellouche.
Le spectacle débute le 1ᵉʳ février à Paris. Il va tout raconter : ses réussites en tant que ministre — passage de 14 secondes — mais aussi ses échecs. Il va aborder le thème des perquisitions qu’il a eues dans son bureau, son procès, sa campagne ratée aux régionales. Bref, on sera assez peu sur du feel good. C’est un spectacle à voir uniquement si vous avez la grosse patate et que vous voulez casser ce sentiment d’euphorie qui vous envahit.
Alors bien sûr, je suis contre le fait que Dupond-Moretti fasse de la scène. C’est de la concurrence en plus ! Déjà qu’un jour sur deux, je sabote la guitare d’Oldelaf pour qu’il ne puisse pas se produire. Je mets de l’huile de massage dessus. Quand il veut faire du Brassens, il se retrouve à faire un slide, on dirait Gary Moore.
Franchement, il y a trop de gens en spectacle pour pas assez de spectateurs. Et puis, ça sent la détresse. Dupond-Moretti va jouer au théâtre Marigny, juste à côté de l’Élysée. Il n’arrive pas à couper le cordon, ce gros bébé poilu. Je pense même qu’avant de se barrer, il a mis un tracker GPS dans la poche de veste de Macron et il le suit H24, déguisé. Macron a bien remarqué qu’un type jamais sapé pareil le suit partout avec un teckel, mais il n’a pas fait le rapprochement.
Tout ça pour dire que maintenant, il suffit d’avoir bossé 4 ans pour faire du stand-up et raconter sa vie dont… tout le monde se fout.
En même temps, je suis moi-même auteur, et je me dis qu’écrire pour d’autres, c’est la prochaine étape. Parce que passé un certain âge, monter sur scène, c’est inesthétique pour les gens. Tu ne payes pas 30 balles pour voir des rides du lion. J’espère d’ailleurs que Dupont-Moretti, ils vont le pimper un peu : petite perruque, guêpière de chaudasse, et zou, il va nous relancer le Paradis Latin à lui tout seul.
La suite à écouter et à découvrir en vidéo…