Il y a d’abord la version officielle des autorités russes : « nous progressons sur le terrain ». Poutine l’a dit aujourd’hui devant les cadres de son ministère de la Défense : 2024 a été une « année-charnière » pour ce qu’il appelle « les opérations spéciales » en Ukraine ; la Russie a « l’initiative stratégique » sur toute la ligne de front ; elle a « libéré 189 localités » cette année.
Et tout cela est vrai. Même si les avancées ne sont pas spectaculaires, les données du cartographe indépendant War Mapper montrent que la Russie a conquis 720 km2 de territoire ukrainien en novembre, soit sa progression la plus importante depuis le début de la guerre.
L’armée russe est aux portes de Pokrovsk, nœud stratégique de l’est de l’Ukraine. La pression militaire de Moscou se traduit aussi par les frappes contre les infrastructures énergétiques. Nouvelles attaques vendredi dernier dans plusieurs régions à l’orée de l’hiver.
Et la Russie gagne aussi du terrain dans la région de Koursk, sur le territoire russe, où l’Ukraine a lancé une offensive en août. C’est là que des milliers de soldats Nord-coréens sont venus renforcer les troupes de Moscou. Justement, samedi 14 décembre, le président ukrainien Zelensky a dénoncé les premiers assauts des Nord-coréens contre son armée.
L’Ukraine recule, donc. Et elle subit aussi le chantage russe sur le nucléaire. Moscou brandit régulièrement la menace de l’arme atomique. Poutine a évoqué de nouveau ce matin la dissuasion. Il confirme que le missile hypersonique Oreshnik, qui peut porter une charge nucléaire, sera bientôt fabriqué en série.
Une économie russe à la peine
Mais entre les lignes, Poutine trahit aussi quelques faiblesses. Le président russe répète un peu trop souvent que tout va bien pour être honnête. Il veut surtout, semble-t-il, montrer qu’il est en position de force avant de possibles négociations de paix.
L’Ukraine poursuit d’ailleurs le même objectif. Le président Zelensky sera mercredi à Bruxelles pour dire au secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte, et à ses alliés européens, France, Allemagne, Pologne et Royaume-Uni, que leur soutien est indispensable en vue d’éventuels pourparlers.
Mais l’Ukraine admet manquer d’hommes, d’équipements… A l’inverse, la Russie masque maladroitement ses difficultés. Elle aussi a du mal à recruter. La preuve, elle a besoin de l’aide des Nord-Coréens. Moscou a recours aux primes, aux avantages financiers pour mobiliser de nouveaux soldats.
Et l’économie russe accuse le coup. Certes, la croissance résiste, +3% environ sur l’année, mais les sanctions internationales commencent à produire leurs effets. Les taux d’intérêt s’envolent, la Banque de Russie a relevé en octobre son taux directeur à 21% pour contenir une inflation de 8-9%, sans doute sous-estimée.
Les prix du pétrole ont chuté depuis avril. Gazprom, le géant russe du gaz, est privé du marché européen. L’industrie manque de main d’œuvre. 40% des dépenses de l’Etat sont aujourd’hui consacrées à la Défense et à la sécurité. Le rouble s’effondre.
Ce modèle économique n’est pas durable. Poutine, qui a besoin de stabilité sociale, ne peut imposer de telles contraintes à la Russie pendant des années. La chute d’Assad en Syrie lui rappelle aussi que les dictatures ne sont pas éternelles.
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