C’est une situation inédite dans l’histoire politique française : avec un gouvernement de droite issu de la dissolution et une Assemblée nationale fragmentée, l’examen du budget en 2025 suit un parcours particulièrement sinueux ces dernières semaines. Dans ce contexte, quelle place occupe les sénateurs dans la construction du budget 2025 ? À quelle étape de l’examen le gouvernement pourrait-il invoquer le 49.3 et quelles pourraient en être les conséquences ?
Une première dans la Vème République
L’élaboration et le vote du budget 2025 demeurent sous tension alors que le gouvernement Barnier souhaite assainir les finances avec des économies massives et une augmentation des impôts. Dans un contexte parlementaire et institutionnel nouveau, le vote du budget est un parcours complexe qui vient d’atteindre une nouvelle étape, nous explique Jean-Philippe Derosier : “L’Assemblée a rejeté la première partie du projet de loi de finances et laissé la main au Sénat. C’est historique, car cela ne s’est jamais produit. Il y avait eu un cas quasi similaire en 1979. On était déjà dans une quasi-majorité relative, Raymond Barre était Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing. Le parti de Raymond Barre et Valéry Giscard d’Estaing était minoritaire dans la majorité. Les socialistes, depuis 1978, étaient très puissants à l’Assemblée nationale, tout en n’ayant pas la majorité pour gouverner. Alors, l’Assemblée nationale avait rejeté l’article d’équilibre, c’est-à-dire celui qui fixe le montant de l’argent qui rentre, pour ensuite passer à la détermination des dépenses. En rejetant cet article d’équilibre, le Conseil constitutionnel avait jugé que la loi de finances avait été rejetée par l’Assemblée nationale. Mais là, on a rejeté l’article d’équilibre, le samedi qui précédait le mardi. Puis, le mardi, le texte a été renvoyé au Sénat. Effectivement, cela est historique.“
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Trouver un moyen de conciliation
Pour tenter de régler la discussion entre la chambre basse et la chambre haute, Matignon peut appeler à la formation de commissions mixtes paritaires, dont Jean-Philippe Derosier nous précise le fonctionnement : “Elle réunit des députés et des sénateurs, sept de chaque côté. C’est pour ça qu’elle est paritaire et elle est chargée de proposer un texte, de se mettre d’accord sur un texte qui sera proposé à la validation des deux assemblées. C’est un comité de conciliation, on essaie de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Une fois celui-ci trouvé, il faut qu’il soit ratifié par l’ensemble des assemblées. Évidemment, quatorze élus ne peuvent pas engager leurs assemblées. Ce qui est décidé en commission mixte paritaire, s’il y a accord, est ensuite ratifié car la CMP est composée de ceux qui sont majoritaires dans les assemblées. Sauf qu’en l’état actuel, à l’Assemblée nationale, il n’y a pas vraiment de majorité et donc la majorité à la CMP ne sera pas forcément la majorité de l’Assemblée nationale.”
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Quelles options en cas de censure ?
Dans le cas où le blocage perdurerait, le gouvernement pourrait demander l’application de l’article 49.3, ce qui mettrait sa responsabilité en jeu afin d’assurer le passage de la loi. La démission du gouvernement, si la censure est votée à la majorité requise, entraînerait des conséquences sur le budget, qui, quant à lui, resterait en suspens. Jean-Philippe Derosier explique de manière explicite : “Il y aura une interprétation à avoir pour savoir ce sur quoi le Parlement s’est prononcé ou pas. On peut considérer, et c’est ma position, qu’il s’est prononcé parce que le Sénat a adopté un texte, l’Assemblée nationale a rejeté un texte. Mais on pourrait soutenir l’autre interprétation, qui consiste à dire que l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée parce qu’elle a rejeté la première partie, donc elle n’a pas examiné la seconde et n’a pas examiné la loi de finances dans son ensemble. Elle s’est prononcée sur la censure du gouvernement, mais pas sur le texte. Cette interprétation-là pourrait aussi être défendue. Si on y souscrit, si le gouvernement y souscrit, il peut constater que le Parlement ne s’est pas prononcé et peut mettre en œuvre les dispositions du projet de loi de finances tel qu’il avait été déposé le 12 octobre sur le bureau de l’Assemblée nationale, par ordonnance. Quelque part, c’est un petit peu magique, sauf qu’il n’y a plus de gouvernement. Donc, il faudrait nommer un nouveau gouvernement, un nouveau Premier ministre. On peut nommer le même, ce n’est pas du tout impossible, ou faire traîner les gouvernements qui ne font que les affaires courantes.“
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