La chaîne YouTube Cocomelon, destinée aux très jeunes enfants, est, selon le journaliste David-Julien Rahmil, “une drogue dure qui calme et hypnotise autant qu’un shot de fentanyl”. Même si l’arrêt n’a pas les mêmes conséquences. D’après un sondage Ipsos, les 7-12 ans passent neuf heures par semaine sur Internet, et dix-huit heures pour les plus de 13 ans.
L’invité est David-Julien Rahmil, chef de rubrique “Média” pour L’ADN et auteur du livre L’Internet des enfants. Une histoire secrète de l’Internet qui éduque, amuse et exploite la jeunesse, éditions Divergence, octobre 2024.
Qu’est-ce que Cocomelon ?
Cocomelon existe depuis 2006, vient d’Angleterre mais c’est aux États-Unis que ça a commencé à prospérer. C’est une chaîne où on suit la vie de bébé JJ, une vie drôle et pédagogique, c’est en tout cas ce qui est indiqué. Et surtout Cocomelon, c’est 184 millions d’abonnés sur la plateforme, le chiffre est énorme. C’est devenu une telle cam que des parents ont surnommé cette chaîne “cococaïne”.
Pour l’invité, la chose qui est assez intéressante à voir avec cette série, c’est qu’elle est dans une logique de prédation de l’attention des enfants. “Cette série n’a pas vraiment été conçue avec des psychologues, avec des spécialistes de la petite enfance pour pouvoir s’adapter au cerveau des enfants. Il faut dire que c’est une série qui est pour les bébés, pour les 0-4 ans. Elle a été faite, vraiment, designée pour choper leur attention et ne jamais la lâcher. Donc on a des images qui bougent tout le temps, des belles couleurs vives, chose que normalement n’importe quel dessin animé est en mesure de proposer. Mais là, on est sur un niveau de stimulation visuelle extrêmement forte.” Il n’y a, comme il le dit, pas vraiment de scénario à proprement parler, c’est assez plat. L’idée, c’est juste d’entendre la musique et de voir des images qui s’activent.
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La tour de Babel des bébés
En 2020, on a la moitié des enfants de 2 et 4 ans aux États-Unis qui possèdent leur propre écran et ils sont 73% à regarder YouTube.
L’invité explique que les parents ne connaissent pas forcément Cocomelon, mais les contenus sont poussés par l’algorithme de YouTube. Cette série a aussi cet avantage d’être sur YouTube depuis très longtemps. Les premières vidéos remontent à 2006-2007. Au départ, le créateur de Cocomelon avait mis quelques comptines comme ça pour son propre enfant. Et puis il a laissé un peu les contenus vivre leur vie pendant quasiment 6 ans. Et puis ça a commencé à faire des vues, ça montait continuellement en visionnages. Il s’est donc dit qu’il allait en faire son métier. Il y a aussi le fait que les algorithmes de YouTube font que quand on regarde un contenu on va avoir une autre vidéo qui va démarrer, qui va lancer encore une autre vidéo, et souvent on va rester un petit peu dans la même thématique.
Cocomelon, c’est ainsi devenu un empire médiatique, comme nous l’explique David-Julien Rahmil. Ça a été racheté notamment par un énorme fonds de pension américain. Il y a maintenant des sous-dessins animés, des attractions aux États-Unis, et c’est diffusé maintenant sur Netflix. Cocomelon, on ne peut plus y échapper.
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